La facturation des heures d’intervention va creuser le fossé au sein des populations

SPP - FEU

 

 

Il y a quelques semaines, le Conseil d’Administration du SDIS du Calvados adoptait une délibération permettant de rendre payante certaines interventions « non urgentes » ou celles qui seraient provoquées par des appels abusifs, sans fondement. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet et nous souhaitions nous donner le temps de la réflexion car c’est un véritable débat de société que soulève cette délibération.

Le but de la manœuvre est de permettre une réduction du nombre d’interventions en réduisant le recours aux pompiers pour des missions qui ne présentent pas de caractère d’urgence. Mais cette décision présentée sans concertation avec les partenaires sociaux locaux fin mars pour une application au 1er avril a de quoi faire polémique ! En affichant ainsi une tarification « dissuasive » c’est tout un pan de la population, les plus démunis, qu’on exclut du dispositif de secours.

 

463€ seront facturés pour une levée de doute suite au déclenchement d’une alerte incendie dans une entreprise ou auprès d’un particulier. De quoi donner de sérieux doutes aux voisins d’appeler les pompiers si l’alarme de l’entreprise de proximité s’est déclenchée sans autre signe visible… Il faudra attendre que les fumées ou les flammes soient apparentes pour permettre d’appeler sans risquer une sanction financière. Le temps rendra l’incendie de plus grande ampleur. Il sera plus difficile à combattre, nécessitera l’emploi de plus de moyens matériels et humains, et les dégâts matériels bien plus estimables… que 463€ !

 

Le relevage à domicile sans transport est également facturé dans le Calvados depuis le 1er avril. Pourtant, cette aide qui, selon l’âge, peut revêtir un caractère d’urgence sans pour autant nécessiter un transport vers un centre hospitalier coutera au requérant 241€ ! Avec cette nouvelle grille tarifaire, la notion même d’assistance aux plus fragiles ne fera plus partie bientôt du vocabulaire des sapeurs-pompiers !

C’est bien de souffrance humaine qu’il est question. Que fera une épouse frêle et âgée en voyant son époux tout aussi âgé par terre car tombé de sa chaise sans être blessé mais sans pour autant parvenir à se relever ?  Le laisser à terre ou débourser 241€ (soit près d’1/3 du minimum vieillesse) ? Qui fixe la limite entre ce qui relève d’un appel abusif et ce qui correspond véritablement à un appel de détresse ?

 

De nombreux départements distinguent depuis plusieurs années les interventions urgentes des interventions de confort, facturant ainsi les secondes aux requérants qui en font usage. Mais avec la délibération du Calvados, un nouveau cap est franchi qui touche au cœur même à notre métier.

 

Les considérations politico-économiques ne sauraient justifier ces nouvelles pratiques. Certes, les dotations attribuées aux collectivités sont réduites et celles-ci doivent parfois jongler avec les budgets mais les services publics sont financés par la levée des impôts. Chaque citoyen paie pour avoir une couverture homogène en matière de service public de secours. Demander aux requérants de payer les prestations c’est demander de financier le service une seconde fois !

 

Ces pratiques non seulement ne sont pas justifiées mais elles se révèlent dangereuses. Les familles les plus modestes hésiteront à demander l’assistance des sapeurs-pompiers si elles peuvent se voir présenter une facture qu’elles ne pourront pas honorer. Depuis des années, nous dénonçons certaines dérives, certains appels abusifs, au même titre que le recours des sapeurs-pompiers pour couvrir la carence médicale et ambulancière (gestion SAMU). Nous assistons à un désengagement de l’Etat dans certaines de ses missions régaliennes.

 

Certains conseils départementaux proposent aux personnes âgés diminuées une prestation télé alarme, leur présentant cette solution comme réponse adaptée à une possible détresse… Les sociétés prestataires gestionnaires de la réception des appels facturent le service mais pourtant font appel aux sapeurs-pompiers lors du déclenchement des alarmes. Ils se permettent de facturer mais font porter la charge de l’intervention aux SDIS. N’y-a-t-il pas une solution à envisager plutôt que de faire payer aux citoyens ?

 

Et les exemples ne manquent pas !

 

Les sociétés d’ascenseurs en sont un deuxième exemple …

 

Ne faudrait-il pas demander des remboursements aux prestataires privés qui facturent mais qui sollicitent les sapeurs-pompiers pour intervenir ?

 

De même, le citoyen qui sollicite les services du SAMU pour une réponse médicale adaptée ne veut pas voir arriver les sapeurs-pompiers. Les missions sapeurs-pompiers restent le prompt secours, le risque vital…

 

L’augmentation de ce type d’interventions parallèlement à la diminution des effectifs en sapeurs-pompiers conduites par trop de SDIS n’est pas acceptable, les missions régaliennes que les services de l’Etat assument de moins en moins ne doivent pas être supportées par les SDIS sans contrepartie. Celle-ci ne peut venir d’un dédoublement du paiement exigé auprès du contribuable !

 

La réponse à la détresse quotidienne n’est plus adaptée dans notre pays, il faut révolutionner les comportements. Les sapeurs-pompiers restent les seuls acteurs du service public de secours à répondre dans la minute ! Il est temps que chaque acteur puisse reprendre sa place et assumer pleinement sa mission.

 

Des solutions doivent être trouvées pour que les services d’incendie et de secours continuent à proposer un service public de secours de qualité, la facturation n’est qu’un système dissuasif qui ne réglera en rien les problèmes de fond. Pire, elle risque d’augmenter la fracture sociale pour les foyers les plus modestes. Tout n’est pas toujours une question d’argent… Un véritable dialogue avec les partenaires sociaux pourraient permettre à certains élus d’ouvrir les yeux sur les réalités d’un service public de secours qu’ils sacrifient sur l’autel du bénéfice !

 

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