Les conditions minimales de sécurité et de santé au travail s’agissant du temps de travail des SPP

SANTE

 

Dans un courrier adressé au Président de la République les Autonomes attire l’attention de Monsieur le Président Macron au sujet du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels et notamment en matière des conditions minimales et de santé au travail. Retrouvez ci-dessous le courrier qui lui a été transmis ou cliquez ici pour le télécharger.


Monsieur le Président de la République,

 

Depuis de nombreuses années, le respect des conditions minimales de sécurité et de santé et la thématique du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels sont au cœur de nos préoccupations et au premier rang du calendrier de nos revendications.

 

C’est dans ce cadre que notre Fédération a engagé une bataille syndicale auprès des instances gouvernementales et juridique, à la fois devant les juridictions nationales et auprès des instances communautaires, contre les dispositions du décret n° 2001-1382 modifié. Ce texte impose aux sapeurs-pompiers professionnels un régime de travail dérogatoire, non conforme aux prescriptions minimales en matière de santé et de sécurité posées par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et contraire à la jurisprudence de la Cour des Justice de l’Union Européenne rendue au visa de ses articles. Suite à notre dépôt de plainte auprès de la Commission des Pétitions du Parlement Européen le 6 juillet 2011, la Commission Européenne mettait en demeure la France de se conformer à la Directive précitée.

 

Le 18 décembre 2013, la France procédait à la réécriture du décret organisant le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, selon le décret n°2013-1186 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels. Or, les articles 2 et 3 de ce décret persistent à ne pas respecter les dispositions de la Directive !

 

En l’état actuel du droit, le conseil d’administration de chaque service d’incendie et de secours peut, par délibération et après avis du comité technique, fixer le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels à vingt-quatre heures consécutives, eu égard aux missions des services d’incendie et de secours et aux nécessités de service.

 

Lorsqu’il a imaginé ce régime dérogatoire, sans définir ou expliciter les notions de nécessités de service ou de missions de service, ni prévoir les conditions de mise en œuvre permettant d’assurer la préservation de la santé et de la sécurité des agents concernés, le pouvoir réglementaire a oublié que pour des missions identiques et dans le cadre d’une organisation similaire, certains services départementaux d’incendie et de secours parviennent à fonctionner sous le régime unique d’une durée de travail de 12 heures.

 

Ce n’est en réalité que pour des motifs d’ordre financier liés aux contraintes organisationnelles et à la gestion des effectifs que l’Etat français persiste à faire perdurer ce régime, alors même que le point 4 du préambule de la Directive du 4 novembre 2003 indique sans réserve que « L‘amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique ».

 

Ainsi, l’Etat français à la tête duquel vous avez été récemment élu, laisse une importante marge de manœuvre aux services publics d’incendie et de secours, pour déterminer les modalités d’organisation des gardes de 24 heures prestées par ses agents. En outre, le dispositif réglementaire en vigueur est insuffisamment précis et ne transpose les dispositions de la Directive européenne ni de manière claire, ni de manière précise, ni dans leur globalité. Or, l’application d’une Directive doit répondre à un cadre strict et précis qui permet d’avoir une lecture non équivoque des dispositions concernées.

 

Dans les faits, le sapeur-pompier professionnel qui preste dans le cadre d’une garde de 24 heures est un travailleur posté, soumis à du travail de nuit, dans le cadre d’une profession dont la dangerosité des missions est reconnue par l’article L. 723-1 du code de sécurité intérieure.

 

Pour 24 heures de travail accomplies et par l’instauration d’un rapport d’équivalence qui consiste à intégrer un mécanisme de moindre intensité du travail fourni, les sapeurs-pompiers professionnels ne sont payés qu’une partie de ce temps de travail (un peu plus de 17 heures).

 

Or, les agents concernés résident en casernement munis d’un bippeur d’alerte, prêts à répondre aux sollicitations de leur employeur, sans pouvoir vaquer librement à leurs occupations personnelles. Ils sont donc à disposition permanente de l’autorité territoriale, ce qui implique en réalité qu’il s’agit d’un temps de travail permanent (voir à ce titre les arrêts de la CJUE : SIMAP, JAEGER et DELLAS). A contrario, le sapeur-pompier professionnel soumis au régime des gardes de 12 heures est quant à lui payé en heure pour heure.

 

Ainsi, outre l’existence d’une différence de traitement patente en matière de rémunération au détriment des agents en garde de 24 heures, et alors même qu’ils accomplissent les mêmes missions et connaissent des nécessités de services similaires, ce régime dérogatoire (devenu régime de principe) lèse les sapeurs-pompiers professionnels à de multiples égards et notamment s’agissant des repos compensateurs.

 

Sur ce point, bien que de nombreuses études démontrent la dangerosité du métier et ses conséquences sur la santé des agents, et que divers travaux ont mis en exergue les effets néfastes du travail de nuit, comment expliquer qu’à l’issue d’une garde de 24 heures, un repos de seulement une durée similaire soit accordé au sapeur-pompier professionnel, alors qu’il a manifestement dérogé à l’ensemble des prescriptions minimales fixées par la Directive européenne en matière de durée journalière du travail, de temps de pause, de repos journalier ou encore de travail de nuit ?

 

Monsieur le Président, vous avez mené une campagne pro-Europe marquée par votre volonté d’inscrire la France au cœur des engagements communautaires parmi lesquels figurent la primauté, l’effectivité et l’applicabilité directe des dispositions européennes.

 

Nous appelons de nos vœux la reconnaissance de la spécificité des missions des sapeurs-pompiers professionnels, ainsi que les sujétions particulières auxquelles ils sont soumis, et souhaitons trouver une oreille attentive à cette exigence primordiale que constituent les garanties accordées en matière de sécurité et de santé des travailleurs que nous représentons, s’agissant du temps de travail.