Reviviscence, hyper éveil, évitement, fatigue de compassion, changement d’humeur… sont autant de signaux à ne pas négliger dans la gestion du stress post traumatique.
Zoom sur ce trouble anxieux qui touche de nombreux sapeurs-pompiers et dont les répercussions engendrent chaque année de nombreux arrêts de travail prolongés, menant parfois certains agents jusqu’au suicide.
Au cours de sa carrière, un pom- pier sera exposé à plusieurs événements à potentiel traumatique.
Cette exposition demande à la personne de faire appel à ses capacités d’adaptation. Certains de
ces événements peuvent engendrer des réactions de stress qui peuvent interférer avec la poursuite des activités profession- nelles, du moins pour un certain temps.
L’accumulation de plusieurs événements traumatiques, que ce soit sur une courte période ou au
cours de la carrière, peut également user les capacités d’adaptation de la personne. Des symptômes
physiques ou psychologiques peuvent alors se développer et interférer avec
la capacité du pompier de poursuivre son travail. C’est le principe de la goutte d’eau qui fait
déborder le vase. Une situation récente, banale en comparaison aux autres vécues en carrière (ex.
: intervenir sur une autre scène d’accident), peut affecter davantage le pom- pier parce que, cette
fois-ci, ses capacités pour y faire face ont été épuisées par l’accumulation. Car, contrairement
aux idées reçues, le stress post traumatique peut survenir de différentes manières :
• Être exposé directement à l’évé- nement.
• Être un témoin direct de l’événement qui survient à un autre.
• Être un témoin indirect (ex. : ap- prendre que l’événement est arrivé à un collègue ou à un
proche, ce qui veut dire qu’un événement
peut être traumatique même si vous n’êtes pas directement sur les lieux). Dans ce cas, l’événe-
ment doit avoir été violent ou accidentel.
• Être exposé de manière répétée ou extrême aux détails horrifiants ou pénibles d’un ou plusieurs
événements
DES REACTIONS NORMALES FACE A UNE SITUATION ANORMALE
Il existe une multitude de réactions possibles après un événement à potentiel traumatique.
Celles-ci peuvent être présentes pendant quelques jours, plusieurs jours ou même se développer
plusieurs mois après.
Il est aussi possible d’avoir vécu un tel événe- ment, mais de ne pas développer de réactions. Une intervention
potentiellement traumatique entrainera beaucoup d’informations à absorber par notre organisme au
cours des jours suivants.
Les réactions qui apparaissent reflètent cette tentative d’adaptation de notre corps et de notre
cerveau. Lors de l’événement, l’adrénaline secrétée par le système nerveux déclenche une série
de réactions de survie. Ainsi, pendant ou après l’événement, un pompier pourrait :
• Ressentir des réactions physiques d’anxiété dues à la sécrétion d’adrénaline dans le corps
comme : palpitations, hyperventilation, tremblements, souffle court, impression de manquer d’air
ou sensation d’étouffement, étourdissements, douleurs thora- ciques ou sensation d’oppression au
niveau du thorax, picotements, difficulté à avaler, serrement à la gorge, jambes molles, etc.
• Développer des réactions de dissociation, relativement courantes chez les pompiers étant donné qu’ils ne peuvent pas fuir physiquement les situations auxquelles ils sont exposés. Ces réactions se traduisent par :
• La dépersonnalisation : impression de se « voir » en train de faire l’action, se sentir en
dehors de son corps, s’observer d’en haut ;
• La déréalisation : impression que les choses se déroulent au ralenti ou en accéléré ; impression
que ce qui se passe est irréel (impression d’être dans un mauvais rêve ou dans un film);
• La diminution de la conscience de son environnement : moins entendre les sons ou moins voir ce
qui nous entoure ;
• L’amnésie : ne pas se rappeler certains détails importants de l’intervention ;
• La léthargie : être coupé de ses émotions et ne rien ressentir.
Pour autant, il est tout à fait possible de développer d’autres
type de réactions non énumérées. Chacun, réagissant différemment. Dans les jours qui suivent
l’exposition à un évènement potentiellement traumatique, ressentir des réactions et émotions
très intenses est tout à fait normal, il s’agit là de tentatives de l’organisme de s’adapter à
l’événement.
EXEMPLES DE REACTIONS POST-TRAUMATIQUES :
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Reviviscences : repenser souvent à l’intervention de façon involontaire, entendre les cris de
détresse, avoir des flashbacks, y rêver, être bouleversé ou réagir avec des réactions physiques
d’anxiété lors des rappels de l’événement.
Évitement : vouloir éviter d’y penser, d’en parler ou éviter tout ce qui rappelle l’intervention
(lieu, personne, objet, situation, acti- vité).
Hyperéveil : être irritable, demeu- rer en état d’alerte ou d’hypervigilance même si le danger
est passé, anticiper certaines inter- ventions, avoir des difficultés de sommeil, de concentration,
sur- sauter, avoir un comportement autodestructeur.
Changements dans les pensées et l’humeur : se blâmer ou se remettre en question, être plus distant,
s’isoler, avoir de la dif- ficulté à ressentir des émotions positives, avoir moins d’intérêt, être
envahi d’émotions négatives (peur, sentiment d’impuissance, culpabilité, honte, horreur ou colère),
entretenir des croyances négatives exagérées face à soi ou aux autres (ex. : « je suis un mauvais
pompier »).
Ces réactions peuvent évoluer au fil du temps. Notons qu’il est possible de développer ces réac-
tions sans pour autant que cela n’engendre un stress post traumatique ?
L’exposition à un événement trau- matique peut aussi engendrer d’autres conséquences sans que cela
ne soit des réactions post traumatiques, à l’instar de l’an- xiété, des symptômes dépressifs ou
encore la consommation de substances illicites.
EVOLUTION DES RÉACTION DANS LE TEMPS
La durée de réactions dépend de chacun, allant de quelques jours à quelques semaines, et pouvant se
développer plusieurs années après l’évènement.
Si les réactions durent au minimum trois jours et au maximum un mois après l’évènement, nous
sommes dans une situation de trouble de stress aigu.
Lorsque que les réactions durent plus d’un mois après l’évènement traumatique ou surviennent plu-
sieurs années après, on parle alors de stress post traumatiques.
Si les réactions post-trauma- tiques persistent au-delà de deux semaines ou sont dérangeantes, il
est conseillé de consulter un médecin, un psychologue ou un psychothérapeute.
Une psychothérapie pourrait être recommandée.
Certaines techniques ont fait leur preuve dans la gestion de ce trouble, parmi lesquelles la Théra-
pie cognitive et comportementale centrée sur le trauma (TCC) qui vise à diminuer les réactions de
stress post traumatiques en revi- sitant le souvenir du traumatisme
, ou encore l’EMDR ( Eye Movement Desensitization and Repro- cessing) qui permet au patient de se désensibiliser du traumatisme
via le mouvement oculaire et la reprogrammation en activant les systèmes de traite
’information du cerveau.
Source : Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail secteur « affaires municipales », Canada
LE CANADA, UN EXEMPLE A SUIVRE
Alors qu’en France, ce phénomène ne semble pas encore être au cœur des préoccupations de la
DGSCGC, nos homologues canadiens, eux, font figures de précurseurs dans le domaine avec la mise en
place d’une stratégie nationale pour les blessures de stress opérationnel qui toucheraient chaque
année de 10 à 35 % de leurs agents (selon le rapport 2016 du comité permanent de la sécurité
publique et nationale). L’APSAM, (Association paritaire pour la santé et la sécurité du tra- vail «
secteur affaires municipales») a développé un Programme de Gestion Globale Des Evènements
traumatiques au Travail pour pré- venir le trouble de stress post- traumatique, soutenir les pompiers exposés à un événement à potentiel traumatique et favoriser le rétablissement de ceux qui en
sont affectés.
Des outils de premiers soins psychologiques peuvent être mis en place pour porter secours aux
individus confrontés à des évé- nements à potentiel traumatique, que ce soit immédiatement après
l’événement ou dans les jours et semaines qui suivent.
Cette approche est soutenue par plusieurs experts internationaux
sur le trauma (ex. : Inter-Agency Standing Committee [IASC], Organisation mondiale de la santé
[OMS], The National Child Trau- matic Stress Network [NCTSN]).
La survenu de complications telles que l’addiction à l’alcool, aux jeux, la dépression ou les
pensées suicidaires assombrit évidemment le diagnostic d’où l’intérêt de procéder à un dépistage
rapide et de mettre en place des stratégies positives pour prendre soin de soin en veillant à
maintenir une bonne hygiène de vie, un équilibre constant entre vie professionnelle et vie privée
sans négliger l’importance d’une bonne qualité de sommeil.
Retrouver l’integralité du dossier dans la dernière édition de la revue Echo.
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